
La fermentation faisait partie intégrante de l’alimentation de nos ancêtres partout dans le monde depuis des siècles. Toutefois, avec l’urbanisation, l’arrivée de méthodes modernes de conservation et la popularisation des aliments ultra-transformés, la consommation d’aliments fermentés a nettement diminué, notamment dans plusieurs pays industrialisés comme le Canada et les États-Unis. Aujourd’hui, un nombre croissant d’études montre que la fermentation ne sert pas seulement à préserver les aliments, mais qu’elle offre également de nombreux bienfaits pour la santé.
Les aliments fermentés sont des aliments ou des boissons résultant de l’action de micro-organismes (tels que les bactéries, les levures ou les moisissures) qui décomposent les aliments en l’absence d’oxygène, modifiant ainsi leur composition chimique et créant des sous-produits (ex. acides organiques, alcool, gaz, dioxyde de carbone, postbiotiques). L’accumulation de sous-produits crée un environnement favorable aux micro-organismes bénéfiques, empêche la prolifération des agents pathogènes et prévient la détérioration des aliments. C’est pourquoi les aliments fermentés se conservent plus longtemps et développent des saveurs acidulées, piquantes ou pétillantes. Il existe des centaines d’aliments fermentés présents dans diverses cultures à travers le monde, incluant le kimchi, la choucroute, le kéfir, le miso, le tempeh, le natto, le kombucha et le pain au levain.
La fermentation peut générer de nouveaux composés bénéfiques dans les aliments. Lors de la fermentation, les bactéries synthétisent des vitamines et d’autres composés bioactifs. Par exemple, les bactéries présentes dans les aliments fermentés peuvent produire des vitamines B (comme les folates, la vitamine B12 et la riboflavine) et de la vitamine K au cours de leur croissance. De même, certains légumes fermentés présentent des teneurs accrues en vitamine C. La fermentation améliore également la biodisponibilité de certains nutriments, les rendant plus assimilables. Par exemple, la fermentation du pain au levain dégrade les phytates, permettant ainsi une meilleure absorption du fer, du zinc et du magnésium par l’intestin. Finalement, la fermentation peut améliorer la digestibilité de certains aliments, notamment en réduisant leur teneur en FODMAP* qui sont des sucres fermentescibles. Par exemple, le pain au levain est plus faible en FODMAP que le pain régulier et ainsi plus facile à digérer pour les personnes ayant le syndrome de l’intestin irritable.
Les postbiotiques sont les produits que les bonnes bactéries (probiotiques) fabriquent lorsqu’elles mangent et se multiplient, tels que des métabolites anti-inflammatoires, des fragments cellulaires, des acides gras à chaîne courte et des enzymes. Même si la cuisson ou la pasteurisation détruisent les bactéries vivantes, les postbiotiques, eux, persistent. Ces substances peuvent avoir des effets bénéfiques pour la santé même lorsque les bactéries elles-mêmes ne sont plus vivantes. Mais les scientifiques ont découvert que même les bactéries mortes elles-mêmes peuvent être bénéfiques. Ces postbiotiques “zombies” peuvent encore moduler le système immunitaire, renforcer la barrière intestinale et réduire l’inflammation.
Ainsi, les aliments fermentés cuits ou pasteurisés sont tout de même bénéfiques pour la santé. Prenons l’exemple du pain au levain. Le levain cru contient des bactéries lactiques et des levures vivantes. Pendant la fermentation de la pâte, les bactéries produisent des postbiotiques comme des acides organiques, des enzymes, des vitamines, et des métabolites qui modifient la texture, la digestibilité et la durée de conservation. Pendant la cuisson, les bactéries et levures meurent, mais leurs fragments de paroi, protéines, peptides, ADN et autres composantes restent présentes dans le pain. Ces morceaux peuvent encore moduler la réponse immunitaire, avoir un effet bénéfique sur la digestion et nourrir indirectement le microbiote. Bref, les bactéries mortes demeurent utiles: c’est ce qu’on appelle de façon imagée des “probiotiques zombies”.
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